CHAPITRE IX

Nous nous précipitons dans la coursive, puis vers l’escalier conduisant au poste de commandement dont Erskine pousse la porte. Un planton fait mine de s’interposer, mais il le reconnaît et le laisse passer. Je le suis en compagnie de Sila.

Gordien est debout devant le tableau de bord. Il est livide, et, à côté de lui, les trois officiers qui m’ont accueilli tout à l’heure me paraissent figés.

— Que se passe-t-il ? demande Erskine.

Gordien se retourne.

— Nous avons été harponnés, dit-il d’une voix blanche. Vous savez ce que ça signifie. En refusant de me rendre, je vous condamnais tous. Leur désintégrateur était déjà braqué sur nous.

— C’est fini, alors ?

On nous ramène à terre où s’effectuera la reddition.

Un sourire sans joie retrousse ses lèvres.

— Tout dépend désormais de votre hypothèse, Horner. Si elle se vérifie rapidement, car Kalbach n’a promis la vie sauve qu’à l’équipage.

— C’est à Kalbach que vous vous êtes rendu ? s’écrie Erskine.

— J’avoue qu’il n’a rien de militaire, mais c’est lui qui commande le vaisseau harponneur.

S’adressant aux officiers qui l’entourent, il ordonne :

— Descendez prendre la tête des sections. Vous sortirez sans arme. Dans l’ordre de vos numéros de corps, en respectant un délai de cinq minutes entre chaque section.

Les officiers saluent et se retirent. Ils sont pâles tous les trois et d’une gravité désespérée. Gordien déboucle son ceinturon et le jette sur un des fauteuils de pilotage.

— Quant à nous, nous aurons l’honneur de sortir les derniers. Sans arme également.

Imité par Erskine, je déboucle mon ceinturon. Sila me lance un regard angoissé.

— Vous direz que je vous ai obligée à me suivre, Sila. Je ne pense pas qu’ils vous feront du mal.

— C’est pour vous que j’ai peur.

 

 

A nous ! Le sas franchi, nous nous retrouvons au milieu d’un champ. Les deux vaisseaux de guerre se sont posés de façon à encadrer l’aviso. Kalbach nous attend, entouré d’une dizaine d’égalitaires armés jusqu’aux dents.

Les trois sections qui nous ont précédés ne sont plus là. On a dû les incarcérer dans les soutes d’un des vaisseaux. Je n’aperçois aucun robot.

— Vous serez traité aussi humainement que possible, annonce Kalbach, à condition bien sûr que vous y mettiez tous de la bonne volonté.

Un homme sort brusquement du vaisseau en sautant au bas du sas. Un homme vêtu d’une combinaison de l’espace, modèle de luxe pour passagers des grands courriers.

Kalbach s’est retourné en fronçant les sourcils, mais l’homme ne se laisse pas impressionner. Il me désigne en s’écriant :

— C’est Rall Horner.

Du coup, je le reconnais. Danguerro, l’organisateur des tournées de Martha Albéroni. Il s’approche tout de suite de moi.

— Désolé, de vous retrouver dans une aussi pénible circonstance, Horner. Naturellement, il n’est pas question de vous considérer comme un prisonnier. Sila Dury non plus.

— Je ne demande aucune faveur.

Danguerro se met à rire.

— Ce n’est pas une faveur. Vous êtes citoyen d’Argros. A ce titre, ce qui se passe sur Terre O ne vous concerne absolument pas.

Il me sépare d’Erskine et de Gordien que les égalitaires entraînent vers le vaisseau, puis Kalbach nous rejoint.

— Rall Horner… Nous nous sommes déjà rencontrés il y a quelques heures.

— Dans l’espace.

— Vous vous trouviez sur l’Argan avec Erskine. Comme la vie est bizarre ! A ce moment-là, si j’en avais eu l’occasion, je vous aurais fait abattre. Sans me douter des conséquences tragiques que ce geste aurait eues.

— Nous en parlerons plus tard, tranche Danguerro. Je vais conduire Horner chez Martha. Elle était très inquiète à son sujet.

Ça ne paraît pas enchanter Kalbach, et il s’incline de mauvaise grâce après avoir jeté un coup d’œil sur les hommes qui l’entourent.

— On va vous amener un hélicobulle, Danguerro.

Il tourne les talons, et Danguerro le regarde s’éloigner d’un air dubitatif avant de se tourner vers moi.

— Hier soir, je ne me doutais pas que Kalbach allait tout déclencher. Si je l’avais su, j’aurais tout fait pour empêcher cette folie. Car c’est une folie. Martha a été atterrée quand elle a appris la nouvelle.

Je reste sur la réserve, et il s’en rend compte. Un sourire joue sur ses lèvres.

— Vous ne pouvez pas comprendre, Horner. Bien sûr. Martha devait vous expliquer, mais hier elle a été terriblement éprouvée en apprenant la mort d’Argan, et dans son esprit rien ne pressait.

Son œil se durcit.

— Kalbach a pris une initiative personnelle.

— Qu’est-ce qu’il a voulu dire en parlant des conséquences tragiques que ma mort pourrait avoir ?

— Martha vous l’expliquera. Vous êtes le véritable héritier d’Argan, Horner. C’est vous qu’il a désigné pour prendre sa place.

— A la tête de cette révolution ?

— Cette révolution ne devait pas éclater.

Sila a pris mon bras. Danguerro lui sourit.

— Hier soir, au Relais du Théâtre, lorsque vous me faisiez part de vos projets, vous ne pensiez pas que vous vous retrouveriez le lendemain avec l’homme qui peut devenir d’une seconde à l’autre la personnalité la plus importante de Terre O.

— Et Destrol ? dis-je.

— Il a été obligé de suivre le mouvement. On lui a forcé la main. Ce ne sont pas les égalitaires qui prennent le pouvoir, mais une sorte de comité supérieur qui comprend Destrol.

Un hélicobulle sort du vaisseau dans lequel Kalbach est entré.

— Pas un mot devant le pilote, me conseille Danguerro. Ce n’est pas un égalitaire, mais un technicien de Kalbach.

 

 

Sila a pris ma main. A cause du pilote, nous restons silencieux, ce qui me permet de réfléchir. Si je comprends bien, les choses ne se présentent pas exactement comme je l’avais imaginé.

Argan m’a désigné comme son héritier. Danguerro paraît sincère, mais dans ce cas, pourquoi le professeur m’a-t-il rendu amnésique ? Pourquoi ne m’a-t-il pas mis au courant ? Il a parlé de moi à Martha Albéroni, mais dans le message qu’il m’a laissé, il n’a fait aucune allusion à l’actrice.

Tout cela doit avoir une raison. Laquelle ? Je dois sans doute me méfier de tout le monde, donc de Martha aussi. A première vue, cela paraît incohérent. Je me fais l’effet d’un bouchon emporté par un torrent acharné à sa perte, mais sur lequel il surnage toujours.

Pris dans le camp des loyalistes, les révolutionnaires m’accueillent… semblent m’attendre. Mes sentiments et mes convictions me portent du côté de Gordien, et je suis en quelque sorte le deus ex machina de ses ennemis.

Du moins, ils le disent. A cause du convertisseur d’ondes ? La mémoire me reviendra sans doute lorsque je le verrai, et je serai probablement en mesure de le remplacer. De par la volonté d’Argan. Argan qui s’est suicidé. Pour échapper à Destrol ou à Kalbach. Il a certainement été trahi, et c’est ce qui explique son brusque départ qui a pris tout le monde de court. Trahi ? Sans savoir exactement par qui, et il n’avait plus le temps de chercher.

D’où ses consignes de méfiance. A moi de découvrir le véritable traître. C’est-à-dire celui ou celle qui a volé le cerveau électronique commandant les robots.

Ouais… Cette idée ne s’impose pas à mon esprit comme d’autres qui me viennent ainsi spontanément. Je dois faire fausse route. Pourquoi volé, après tout ?

Soudain, je le « vois », ce cerveau électronique. Ce n’est pas le monstrueux engin qu’on imagine généralement. Un grand coffre-fort. En acier d’Argros. Un alliage moléculaire spécial qui le rend pratiquement indestructible.

Malgré ses dimensions réduites, il pèse plusieurs dizaines de tonnes, mais un enfant de cinq ans pourrait l’emporter facilement à cause du dispositif anti-G qui le libère de toute pesanteur.

Le convertisseur d’ondes se trouve à l’intérieur. Un clavier permet d’activer les différents relais disséminés sur la planète. Leur nombre est considérable, et ils se subdivisent par groupes de mille, puis de cent, puis de dix jusqu’à l’unité.

Chaque relais est pourvu d’un clavier identique, ce qui fait qu’une centaine de techniciens sont en mesure d’asservir la terre entière. C’est ce qui s’est produit.

 

 

Pour pénétrer dans la propriété de Martha Albéroni, l’hélicobulle fait un détour au-dessus de la mer et survole la plage privée. La plage privée sur laquelle j’ai vu l’actrice me sourire. Je pourrais désigner sur le sable la place exacte où elle s’était allongée.

Maintenant, je suis certain d’être déjà venu dans cette propriété. Je suis sûr que mon souvenir ne vient pas d’un film quelconque. Comme Martha et Danguerro ne m’ont pas reconnu, c’est que j’avais une autre apparence physique et qu’Argan a modifié mes traits.

— Personne n’a disparu dans l’entourage d’Argan peu de temps avant son embarquement pour Deneb ?

Danguerro me regarde avec surprise.

— Pas à ma connaissance.

Nous nous posons sur une petite terrasse blanche, et Danguerro ordonne au pilote de rester dans l’appareil. J’aide Sila à sauter du sas et, tout de suite, je me dirige vers l’escalier conduisant à l’intérieur de la maison. Un escalier de marbre blanc qui m’est familier.

Etrange sensation qui me poursuit jusque dans le grand salon éclairé par une large baie qui domine la mer.

— Je vais prévenir Martha, fait Danguerro.

Son regard s’arrête un instant sur Sila.

— Cette combinaison de l’espace vous va à ravir, Sila, mais elle n’est pas très féminine. Martha et ma femme se feront un plaisir de mettre leur garde-robe à votre disposition.

Il quitte le salon, et, tout de suite, Sila se précipite dans mes bras.

— Oh ! Rall…

Des larmes jaillissent de ses yeux. Ses nerfs sont en train de la lâcher. La fatigue d’abord, puis toutes les émotions consécutives aux événements qui se sont succédé depuis le moment où j’ai été la chercher au théâtre.

— N’ayez pas peur. Tout se passera bien, désormais.

— Ce n’est pas cela. Je n’ai pas peur, Rall.

Son désarroi me fait sourire. Je ne lis aucune angoisse dans ses yeux, mais plutôt une sorte de crainte avide. Je me penche, et nos lèvres se joignent. Tout de suite, elle se serre contre moi, comme apaisée.

Malheureusement, la porte du salon s’ouvre, et nous sommes obligés de nous séparer. Martha Albéroni a un petit rire.

— Excusez-moi, dit-elle en souriant.

Rouge de confusion, Sila recule, et Martine Danguerro part à son tour d’un éclat de rire.

— Il paraît que vous avez hâte de redevenir une vraie femme, Sila. Est-ce pour mieux séduire Rall Horner ? J’ai l’impression que c’est déjà fait, pourtant.

Sila a surtout envie de quitter le salon, et elle suit Martine tout de suite. Danguerro a combiné cela pour l’éloigner. Ce que nous avons à dire ne la regarde sans doute pas. Martha Albéroni est allée s’asseoir dans un fauteuil en face de la baie.

Elle porte une sorte de péplum blanc qui laisse nue une de ses épaules. Elle est merveilleusement maquillée, et, devant elle, je ressens brusquement une émotion mêlée d’un vague regret.

— Vous savez qui est Martha ? me demande soudain Danguerro en allant s’installer devant la baie.

— Mais… naturellement.

— Vous savez qu’Albéroni est un nom de théâtre ?

— Non.

Il sourit.

— On l’a oublié. Martha s’appelle en réalité Destrol. Le chef des égalitaires est son frère.

Ahuri, je les regarde tous les deux.

— Argan était au courant ?

— Naturellement. Dans une certaine mesure, son plan ne pouvait se réaliser que par l’entremise de Destrol.

— Dont il partageait les idées ?

— Les égalitaires n’ont jamais été qu’un moyen. Pour tout le monde. Les principes qu’ils défendent sont périmés depuis longtemps. Ils n’ont pu triompher que dans les époques où le souci des classes dirigeantes était avant tout d’asservir les populations. L’égalité. Il n’y a que les imbéciles pour y croire, mais beaucoup d’hommes politiques dans le passé ont été satisfaits de les représenter.

Il ricane.

— Nous n’en sommes plus là. Les hommes sont suffisamment évolués pour comprendre que les hiérarchies sont nécessaires, et ils ne se laisseraient plus prendre aux apparences de principes inapplicables.

— Alors ?

— Argan ne rêvait pas de prendre le pouvoir, mais d’inspirer une nouvelle politique terrienne. Destrol était d’accord avec lui. Si Argan avait vécu, cette politique, ils l’auraient inspirée ensemble, obligeant le conseil suprême de la garde spatiale à l’adopter.

— En faisant planer la menace d’un coup de force des égalitaires ?

— Exactement. Les hommes en place sont toujours plus difficiles à persuader que les autres.

— La révolution ne devait pas éclater ?

— Non. Une simple démonstration était prévue. Partout sur Terre O en même temps, la garde aurait vu les robots échapper brusquement à son contrôle et prêts à se retourner contre elle. Ça aurait suffi, d’autant plus que ce qu’Argan voulait était tout à fait dans la ligne des traditions militaires.

— Rendre à Terre O son hégémonie sur les galaxies périphériques ?

La voix de Danguerro se fait passionnée.

— Tous les hommes qui les peuplent sont des Terriens, mais ils ont été séparés durant trop de générations de la mère-patrie. Il fallait souvent plus d’un siècle pour établir une liaison. Les mondes lointains ont donc évolué en vase clos. En découvrant le temps négatif, Lover les a rapprochés, et, peu à peu, l’équilibre des civilisations s’est rétabli.

— Pendant que des antagonismes arbitraires naissaient.

— Des empires se sont constitués aux confins des mondes connus. Des empires qui renient leur origine et se posent en rivaux de Terre O. Terre O a connu une situation semblable lorsqu’elle était divisée en une multitude d’Etats. C’est une situation génératrice de conflits fratricides.

— Et bientôt nous allons avoir à lutter contre des civilisations non humaines. Si nous voulons triompher, il faut que nous soyons tous solidaires.

— Vous le savez ?

Oui… Je le sais. J’ai même été en contact avec les cristaux de Granna. Je murmure :

— J’ai été l’élève d’Argan. Il n’aurait pas fait de moi son héritier, comme vous dites, si je n’avais pas partagé ses idées.

Les civilisations non humaines. Les habitants des galaxies périphériques les ont déjà rencontrées. Aucune cohabitation n’est possible avec elles, aucune entente. Quand on se trouve en face d’elles, il faut les anéantir ou les éviter.

En ce qui les concerne, aucun raisonnement n’est valable. Aucun raisonnement humain, en tout cas. C’est l’eau et le feu. Deux éléments absolument contraires. On ne peut pas dire ennemi. C’est pire.

 

 

Martha Albéroni n’a encore rien dit. Assise dans son fauteuil, un peu hiératique, elle attend. Je me tourne vers elle.

— A quel moment Argan vous a-t-il parlé de moi ?

— A son retour d’Argros.

— En précisant que vous deviez chercher à me rencontrer ?

— S’il venait à disparaître subitement.

— Donc en rentrant d’Argros, il savait déjà qu’il se suiciderait. Votre départ en tournée n’est donc pour rien dans sa décision.

Et je dois renoncer aussi à mon hypothèse selon laquelle on lui aurait « volé » le cerveau électronique. Reste l’éventualité de la décrépitude physique qui le guettait.

— Il vous a dit aussi de me… « faciliter les choses ».

Martha daigne sourire.

— C’est une expression que j’ai employée. En fait, il m’avait recommandé de vous préparer doucement à prendre sa succession. De vous imposer progressivement à Kalbach et aux autres qui poursuivent sans doute des buts beaucoup plus personnels.

— Allard fait partie de la conspiration ?

— Serge Allard ? Oui.

— Et Desvronay ?

— Aussi.

— Il est mort, lui.

— Quoi ? s’écrie Danguerro.

— Il a été foudroyé dans l’espace en essayant de pénétrer à l’intérieur de l’Argan.

— Il voulait s’emparer de lui, murmure Martha.

Danguerro quitte la baie d’un air préoccupé et s’approche d’un distributeur dissimulé derrière un panneau de laque.

— Qu’est-ce que vous savez du convertisseur d’ondes cosmiques, Horner ?

— Qu’il existe.

— C’est tout ?

— C’est tout.

Martha intervient.

— Joseph nous avait prévenus qu’il ne serait au courant de rien.

— Et qu’il faudrait laisser faire le temps, jette Danguerro. Il est trop tard, maintenant. Argan ne pouvait pas deviner que Kalbach prendrait le risque de déclencher les robots. Nous sommes acculés.

Il remplit un verre de carton et le lampe d’un trait.

— La situation est simple, Horner. D’ici à un mois, peut-être moins, le convertisseur dont nous disposons sera hors d’usage, et les robots nous échapperont. Fatalement, la garde spatiale se réorganisera, et nous ne serons pas en mesure de lui résister. Et nous avons jeté le masque. Nous passerons tous en jugement, et les anciennes autorités seront impitoyables. Il y a eu beaucoup de morts.

— Vous pouvez encore vous désolidariser de Kalbach.

— En disant la vérité ? Ce serait tout perdre, car la garde spatiale ne se laisserait pas prendre deux fois au même piège.

— Tout perdre ? Perdre quoi ? Si je comprends bien, Argan ne désirait pas prendre le pouvoir. Ni vous le donner, puisqu’il est parti sans vous donner les moyens de l’exercer.

— Je vous ai dit ce qu’il voulait. Et comment il envisageait d’inspirer une politique qu’il jugeait vitale pour les humains. Lui disparu, vous deviez prendre sa place. En capitulant aujourd’hui, vous renonceriez à ses espérances.

En un sens, il a raison. Argan a senti que la sénilité le guettait et il se méfiait de Kalbach. Il a donc imaginé ce soi-disant départ pour Deneb afin de couper court à ses ambitions. Seulement, il n’a pas voulu que je sois en mesure de le remplacer trop vite.

Pour que Kalbach ne puisse pas abuser de mon inexpérience. Mais sa prudence se retourne finalement contre lui, parce que Kalbach a risqué le tout pour le tout.

— Où se trouve le cerveau électronique ?

— Dans le bloc 34, à Euro VII.

— Un des blocs industriels ?

— Oui. Dans la fabrique qui exploite le brevet d’Argan pour le conditionnement cybernétique.

Un brevet qui concerne les circuits mnémotechniques qu’Argan a réduits à leur plus simple expression. Une bille de métal grosse comme un œuf de pigeon dans lequel tous les conditionnements sont enregistrés.

Là aussi, les ondes cosmiques interviennent, mais le moment n’est pas encore venu pour moi de me souvenir du procédé.

— Qui garde le cerveau ?

— Des techniciens. Tous à la solde de Kalbach et d’Allard.

Tout dépend de moi. Je suis le chef. Ça ne me surprend qu’à moitié, car, tout de suite après avoir quitté le laboratoire de la colline, j’avais pensé que j’aurais un rôle politique à jouer. Sans trop savoir comment ce serait possible.

Maintenant, je suis au courant. J’ai un mouvement d’épaules et je prends mes responsabilités.

— Réunissez un commando d’égalitaires puisqu’ils ne sont pas liés à Kalbach. J’essayerai de récupérer le cerveau électronique. La mémoire me reviendra peut-être en l’examinant.

— La mémoire ?

— Je suis partiellement amnésique.

 

 

Martine Danguerro m’annonce que Sila se repose, et je décide d’en faire autant. Je me sens terriblement fatigué tout à coup. Epuisé même. Je commence à payer les conséquences de mon passage sous l’amplificateur de pensée.

Et puis il faudra du temps à Danguerro pour réunir son commando, d’autant plus qu’il doit pour cela attendre l’arrivée de Destrol. Martine me conduit à ma chambre et, dès qu’elle est sortie, je me laisse tomber sur le lit sans même enlever mon uniforme de pilote.